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Cours Philosophie

EPROUVER LE DESIR

EPROUVER LE DESIR POUR LE BONHEUR

Si jamais l’homme essayait de fuir ses désirs il se retrouvera dans une autre souffrance car le désir ne dépend pas de lui, mais il fait partir de lui. La solution se trouve donc ailleurs,  mais pas dans la sublimation de ce dernier. Raison pour laquelle d’autres penseurs soutiennent qu’il y a un autre cheminement à adopter pour que nos désirs nous poussent vers notre bonheur. C’est là qu’apparaît l’épreuve du désir.

      Éprouver le désir ne se limite pas ici à ce qu’on peut appeler expérimenter le désir. Mais c’est le fait de trouver des voies et moyens pour empêcher que nos désirs ne deviennent source de notre malheur. C’est ces différentes voies que certains philosophes tels qu’Epicure, Platon et Rousseau nous montrerons plus bas.

  1. Le bonheur comme satisfaction de certains désirs

       C’est avec Epicure que nous commencerons à voir quelle solution adopter pour que nos désirs ne nous poussent pas vers la dérive. Il ne va ni condamner, ni faire l’éloge des désirs, mais il va donner la conduite à suivre pour éprouver nos désirs afin qu’ils nous procurent le bonheur. Pour ce dernier, le sujet souffre parce qu’il a la prétention de pouvoir satisfaire tous ses désirs. Ce qui est impossible. Dans la lettre à Ménécée, notre philosophe divise les désirs de l’homme en trois catégories :

      Les désirs non-naturels et non-nécessaires comme le désir de gloire, de l’ambition, du culte de la beauté ou de la performance. Ceux-ci ne servent à rien et ne sont assouvis que pour un moment, alors ils doivent être oubliés. Ensuite les désirs naturels et non-nécessaires tels que les attirances sexuelles, le goût de la nourriture raffinée que nous devons gérer avec beaucoup de modération, car leur exagération causera notre malheur. Enfin les désirs naturels et nécessaires comme manger, dormir, boire. Nous sommes obligés de satisfaire ces derniers car ils sont à la portée de tous et si nous ne les assumons pas nous mourrons. Seule cette dernière catégorie selon Epicure est indispensable pour le bonheur du sujet. Par exemple si j’ai faim, ma priorité ne doit pas être de trouver le plus beau repas que me dicte mon imagination, mais de me contenter de celui qui est à la disposition de mes moyens.

      Il en découle que selon lui, pour être heureux, seule satisfaction des désirs naturels et nécessaires nous permet de vivre dans le bonheur. Mais la satisfaction de ces seules désirs permet-elle au sujet de s’accomplir ?

 

 

 

 

 

 

 

  1. Éprouver le désir pour s'élever

      Tous les philosophes ne vont pas rejeter en bloc tous les plaisirs non nécessaires pour proposer le bonheur à l’homme. Pour certains, éprouver le désir revient à prendre en compte les désirs qui nous permettent de grandir et de devenir quelqu’un de nouveau. Ceux qui nous poussent vers des connaissances nouvelles.

      • Transcender les plaisirs

      Pour Platon, le désir On ne désire que les objets qui nous manquent. Le désir aide le sujet à parvenir au bien à atteindre. Il est donc impossible de l’interdire de désirer car, cela revient à le laisser demeurer dans l’ignorance, dans un stade de l’incomplet. Il signale tout de même que dans cet acte important, le sujet doit prendre conscience. Il fera face à deux possibilités : soit il parvient à assouvir son désir, soit il n’y parvient pas. Pour ce penseur, le fait de ne pas pouvoir assouvir certains désirs ne doit pas plonger le sujet dans la douleur. Bien au contraire il devra comprendre que l’objet désiré en ce moment n’est pas à sa disposition et se contenter des objets qu’il peut atteindre. S’il s’entête à vouloir tout avoir, c’est à ce niveau que survient la douleur.

      Pour Platon donc lorsque le sujet éprouve le désir il doit le faire sous le contrôle de la raison qui l’aidera à désirer ce qui lui est utile pour accéder au bien suprême. Il ne rejette donc aucun plaisir mais conseille plutôt de ne pas vouloir assouvir tous ses désirs, vu que cela est impossible. C’est dans ce sens qu’il utilise l’image des tonneaux percés dans le Gorgias pour montrer qu’une vie de plaisirs ne peut nous permettre d’accéder au bonheur, car vu que le désir est sans cesse présent on ne peut le combler une fois pour toute. Platon demande donc de transcender nos plaisirs. C’est ce qui permettra au sujet d’être en joie avec les désirs qui lui permettent d’atteindre les réalités intelligibles.

      • Le désir source de connaissance des réalités

       Chez Rousseau, le désir ne peut pas être enlevé de la vie du sujet, car c’est par lui que ce dernier réussi à accomplir son existence. Pour lui, l’existence sans la puissance du désir devient un fardeau. Raison pour laquelle il dira : « Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! » En d’autres termes, lorsque désirons, nous sommes heureux car nous avons quelque chose à espérer, nous l’imaginons et l’embellissons. Le bonheur ne réside pas dans la satisfaction de tous nos désirs, mais dans la prise de conscience que c’est le manque que nous procure le bonheur qui nous fait nous sentir vivant et nous pousse à la connaissance des objets désirés. L’individu qui éprouve un manque souffre, mais il se sent en même temps vivant. Le manque que procure le désir chez lui est donc ce qui permet à l’homme de manifester son existence et de connaître les choses qui Sont dans son entourage. L’important n’est pas dans la satisfaction du désir, mais dans ce que le manque qu’il créé nous offre. C’est dans ce sens qu’il dit : « On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère […] ». Pour lui un désir qu’on n’a pas pu combler est préférable à un désir satisfait. C’est le fait de vouloir à tout pris satisfaire le désir qui nous plonge dans la douleur, car il y a assez de risque que l’on se trompe. Pourtant un désir insatisfait nous permet de savoir que l on garde le contrôle sur nous-mêmes.

par Herve Touk


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