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Cours Philosophie

Theorie et Experience

LES CONJECTURES DE LA SCIENCE
  1. La primauté de la théorie sur les faits

Il a longtemps été pensé que la science reposait sur l'induction, procédé qui consiste à obtenir des lois générales à partir de faits particuliers. Avec Karl Popper, cette conception va s’évanouir et c’est dans ce sens qu’il dira : «Peu importe le grand nombre de cygnes blancs que nous puissions avoir observé, il ne justifie pas la conclusion que tous les cygnes sont blancs» (La logique de la découverte scientifique, 1934). Il pense donc que la théorie vient avant les faits, et il faut donc préférer la logique déductive, à travers laquelle la théorie sera mise à l’épreuve, à la logique inductive. Les hypothèses précèdent l’observation et l’expérimentation. Popper pense que la science procède par «conjectures».

  1. Les vérités scientifiques ne sont pas des dogmes

 En effet, certaines conjectures sont avancées, puis soumises à la critique, par le biais de l’expérimentation, qui soit les confirmera, soit les infirmera. C’est ainsi qu’elles sont, comme le dit Popper, «testées» (Conjonctures et réfutations, 1963). Une conjecture confirmée dans les faits n'est toujours pas une théorie vraie. Nous ne pouvons certifier que ce qui est faux, précise Karl Popper. En outre, une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable. D'où l'idée de falsifiabilité  qui est la possibilité qu'a une théorie d'être remise en cause par une nouvelle expérimentation. Sont donc véritablement «scientifiques» les théories susceptibles d’être infirmées par de nouvelles théories : en ce sens, une «véritable» science n’est jamais définitive, ou absolument vraie.

De plus, la recherche scientifique semble s’être toujours développée en prenant modèle sur une théorie scientifique dite «exemplaire» que Thomas Kuhn appelle «paradigme». Aussi longtemps qu'un paradigme est posé, il n'est pas réfutable, et cela empêche à la science de progresser, ou à faire apparaître des théories nouvelles. Si la vision géocentrique du monde, héritée d’Aristote, a si longtemps perduré, c’est parce qu’elle constituait un «paradigme», élevé au rang de véritable dogme. L’évolution, montre encore Kuhn, ne se fait jamais de manière progressive mais par crises et par ruptures, à travers lesquelles les théories connaissent de véritables révolutions. Ce qui fait la force de la science, c’est que ses vérités ne sont jamais absolues. Si l’ensemble de la communauté scientifique est en accord aujourd’hui sur les critères de scientificité à partir desquelles une science peut être considérée comme une «science exacte» par opposition aux sciences dites «humaines». L’interdépendance de la théorie et de la pratique est désormais établie. Néanmoins, la science contemporaine se définit davantage aujourd’hui comme une science probabilitaire ou conjecturale. Une vérité scientifique n’est donc jamais définitive et  toujours renouvelée, ce qui ne l’empêche pas pour autant d’accéder au statut de science exacte.

par Herve Touk


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