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Cours Philosophie
par Herve Touk
Il est important d’opérer une distinction entre l’artiste et l’artisan. L'activité de l'artiste ne se borne à aucune règle préalablement définie tandis que l’artisan qui relève du domaine de la technique a des canevas à suivre. C’est avec le penseur Alain, dans son ouvrage intitulé : Système des beaux-arts, que nous verrons qu’il n'y a pas de commune mesure entre la façon d'opérer de l'artisan, qui suit les règles de son métier et la façon de créer de l'artiste.
Toutefois, les artistes peuvent aussi êtres des artisans dans ce sens qu'ils ont à apprendre les opérations dont ils ont besoins pour la production d'œuvres techniquement maîtrisées. Mais la spécificité des artistes tient au dépassement des règles pour une création originale. L’artiste ne se borne à aucune règle pour faire apparaître le beau. Alain dira : « Il reste à dire en quoi l'artiste diffère de l'artisan. Toutes les fois que l'idée précède et règle l'exécution, c'est industrie. […] Pensons maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu'il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu'il emploiera à l'œuvre qu'il commence ; l'idée lui vient à mesure qu'il fait ; il serait même rigoureux de dire que l'idée lui vient ensuite, comme au spectateur, et qu'il est spectateur aussi de son œuvre en train de naître. Et c'est là le propre de l'artiste. (Système des beaux-arts, 1920). L’artiste découvre lui-même son œuvre comme spectateur pendant qu’il effectue sa tâche, tandis que l’artisan sait à l’avance ce qu’il doit reproduire.
Alain montre ici que l'artiste ne possède pas une idée déterminée de l'œuvre qu'il réalise. C'est en réalisant son œuvre que la règle qui la détermine est rendue manifeste. L’artiste ne fabrique pas mais il créé.
Emmanuel Kant, en voulant comprendre l'origine de l'art, sera amené à découvrir le talent particulier de l'artiste. Dans la Critique de la faculté de juger, il soutient que tout art suppose des règles. Pourtant, les beaux-arts, s'ils utilisent des méthodes techniques, n’offrent pas eux-mêmes les règles qui produisent la beauté de leurs œuvres. Il va finir par conclure que les règles des œuvres d’art sont à chercher dans la nature. C'est la nature qui fournit ses règles à l'art, par le biais du talent particulier des artistes. L’artiste que Kant nomme génie est donc celui qui, grâce à son talent, donne ses règles à l'art. Kant énonce trois caractéristiques du génie qui sont : l’originalité qui se résume à la construction de ce dont on ne peut donner aucune règle, l’exemplarité qui permet à ses œuvres d’art d’être des modèles uniques et l’inexplicable qui prouve le fait que le génie lui-même ne peut pas expliquer ce qu’il a produit.
Le génie étant un don naturel, l’artiste est celui par qui la nature donne ses règles à l’art.
S’il est vrai que l'artiste possède un talent particulier, cela ne veut pas dire qu’il ne nécessite pas beaucoup de travail pour produire ses œuvres. Pour Nietzsche dans Humain, trop humain, la théorie du génie comme doué d'un talent naturel inné et inexplicable est une mystification de l'artiste. En réalité, Nietzsche est contre la théorie sur la singularité de l'activité artistique présupposée dans la définition traditionnelle des beaux-arts comme arts du génie. Il s’agit pour lui d'une illusion entretenue par les artistes eux-mêmes dans le but de se distinguer des artisans. Pour cet auteur, derrière l'acte de création se trouve un travail assez exigent épousant la même méthode que celui de l'artisanat. Ainsi, aucune œuvre, aucune création humaine, qu'elle soit scientifique, technique, militaire ou artistique, ne relèverait d'un miracle.
Pour notre auteur contemporain, la seule différence entre l’artiste et l’artisan relève du fait que le premier créé du beau et le second des objets utiles. Tous deux ont besoin d’un travail acharné pour parvenir à leur fin.